1 346 876 honduriens ont dit OUI à la constituante.

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mardi 5 janvier 2010

Honduras « Le coup d’état met en évidence les conceptions antagoniques de la société »



Julio Navarro est sociologue à l’université pédagogique Francisco-Morazan du Honduras

Envoyée spéciale. Analyste réputé de la vie politique hondurienne, Julio Navarro considère que le régime de facto n’a pas d’autres choix que de dialoguer avec la résistance.

Partagez-vous l’idée médiatisée selon laquelle les élections du 29 novembre auraient mis un terme à la crise politique hondurienne ?

Julio Navarro. Les auteurs du coup d’État ont estimé que des élections régleraient la crise parce que le mouvement de résistance a été massif. Sinon qui peut croire qu’ils auraient exécuté ce coup de force pour ne rester au pouvoir que six mois ? Mais le gouvernement de Porfirio « Pepe » Lobo, élu par 33 % de la population, a un problème de légitimité. Il devra privilégier le dialogue avec les forces qui représentent la résistance.

Pour l’heure, les gestes de « Pepe » Lobo s’éloignent de cette perspective…

Julio Navarro. Porfirio Lobo n’agit pas en ce sens parce qu’il croit, qu’avec le temps, la communauté internationale assimilera la situation. Je crois qu’il se trompe. Il se trouve dans une posture d’autant plus compliquée que sa formation, le Parti national, a certes la majorité absolue au Congrès, mais ce dernier est contrôlé par près 100 députés (sur 128) qui constituent le bloc putschiste parlementaire. Quels sont les points d’achoppement de la société hondurienne ? Julio Navarro. La rupture de l’ordre constitutionnel le 28 juin et l’assemblée constituante. Si l’on regarde les antécédents de ce pays, en 1924, en 1956, en 1965, et en 1982, quatre coups d’État ont conduit à une assemblée constituante. Mais cette fois fera peut-être exception. Le bloc constitué par les libéraux, les nationalistes, les démocrates chrétiens, et les sociaux-démocrates est opposé à ce processus. En revanche, il faut porter attention à d’autres secteurs de la société. Les militaires, par exemple, sont favorables à une assemblée constituante afin de renégocier leur assise. Le patronat en a également besoin pour redéfinir la répartition des richesses et le rôle de l’État. L’Église hondurienne, liée à l’Opus Dei, est, elle aussi, concernée parce qu’elle souhaite garder le contrôle de la planification familiale. Le coup d’État met en évidence les conceptions antagoniques de la société.

Et concernant les inégalités sociales ?

Julio Navarro. Elles n’ont pas jeté dans la rue des milliers de personnes réclamant une meilleure répartition des richesses économiques. D’où l’importance de la résistance qui avance l’idée d’une refonte de l’État pour transformer structurellement le pays et son économie.

Le Honduras a-t-il été un laboratoire de nouvelle forme de déstabilisation ?

Julio Navarro. En dépit des décisions de l’Organisation des États américains (OEA) et de l’ONU, les militaires ne se sont jamais sentis en danger parce qu’ils avaient l’aval du Pentagone. On peut parler de laboratoire au sens où a été testée la réaction populaire. Le meilleur endroit pour ce faire était le Honduras car ce pays part de l’a priori culturel selon lequel l’opinion publique n’a pas de tradition d’alerte. Or si le peuple hondurien a démenti ce préjugé, imaginez ailleurs… Je ne crois pas cependant en un effet domino, notamment en Amérique du Sud où les gouvernements ont pris les devants, en écartant les vieilles générations de militaires. En revanche, il faut être attentif à ce rapport entre secteurs militaire et économique. Le jour où ils se reconnecteront, comme au Honduras où le secteur privé a financé le coup d’État, alors là, il y aura danger. Quoi qu’il advienne, les événements du Honduras doivent d’abord servir de leçon aux présidents de la région. Ils questionnent l’existence de l’OEA du fait que ses intentions ne sont pas effectives. Enfin, les États-Unis laissent derrière eux une image détériorée et douloureuse de leur action.

entretien réalisé par C.C.

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